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La poudre aux yeux : un aperçu interne d’une clinique d’analyses de cellules sanguines vivantes

Nous vivons dans un monde d’incertitude. Des personnages et amis personnels partagent constamment des renseignements qui peuvent être exacts ou inexacts, par l’entremise de plusieurs plates-formes de médias sociaux. Il est de plus en plus difficile de distinguer entre les faits et la fiction à travers les nombreux giga-octets d’information nous bombardant électroniquement chaque jour.
 
Il en va de même pour les soins de santé. Parmi les médecins de famille, les infirmiers praticiens, les naturopathes et d’autres praticiens de médecine douce, qui devons-nous croire quand il s’agit de faire ce qui est dans notre meilleur intérêt? Comment pouvons-nous identifier des conseils médicaux éclairés par rapport aux demi-vérités? Qu’est-ce qui fait partie des « fausses nouvelles » sur les soins de santé, et qu’est-ce qui est vraiment avantageux pour notre mieux-être?
 
J’ai récemment découvert par hasard une entreprise qui fournit des « analyses de cellules sanguines vivantes ». En tant que technologiste de laboratoire médical enregistrée, qui analyse régulièrement des échantillons de sang au microscope, j’étais naturellement curieuse d’apprendre comment cette technique spécifique fonctionnait. J’ai n’ai pas hésité à téléphoner pour fixer un rendez-vous afin de l’observer en personne.
 
Quand je suis arrivée, j’ai été immédiatement frappée par l’environnement tranquille. Loin de l’atmosphère clinique d’un hôpital ou d’un cabinet de médecin, j’ai eu l’impression d’être chez un ami. Un divan se situait dans la salle d’attente, et des huiles essentielles donnaient un aspect accueillant à la salle. Quand on m’a amenée dans la salle d’examen, cependant, mes sentiments de confort sont disparus alors que je me suis rapidement rendu compte que l’analyse de cellules sanguines vivantes n’est définitivement pas une méthode scientifique valide de diagnostic.
 
Le type de microscope utilisé par les analystes de cellules sanguines vivantes est connu comme un microscope à fond noir. Dans un labo clinique typique, on ne l’utilise que pour dépister un petit organisme appelé un spirochète, ce qui produit la syphilis. Dans l’environnement clinique, on examine d’habitude le sang à l’aide d’un microscope optique, où l’on utilise de la lumière visible et un verre optique pour rendre des objets très petits visibles à l’œil humain. Les lames dans nos processus sont séchées, fixées et colorées en couleurs contrastantes pour permettre d’identifier et d’analyser des anomalies cellulaires autrement invisibles.
 
Dans la salle d’examen, une femme a prélevé du sang de mon doigt à l’aide d’une lancette et a placé mon doigt directement sur une lame, puis a mis doucement une lamelle couvre-objet au-dessus de ma goutte de sang et a positionné la lame au microscope. À l’aide d’une caméra raccordée à l’écran d’ordinateur, elle a signalé mes globules rouges et blancs. Sa première observation, pour le moins étonnante, a été que mes globules rouges réfléchissaient la lumière, ce qui signifiait que j’avais une déficience en vitamine B12. Sans qu’elle puisse le savoir, on avait analysé mon sang la semaine précédente dans un labo accrédité suivant la commande de mon médecin de famille, et le niveau de vitamine B12 se trouvait dans la fourchette normale. Qui plus est, un manque de vitamine B12 signifie que les globules rouges sont plus grands que la norme, mais n’a aucun effet sur la quantité de lumière réfléchie.
 
Elle a ensuite identifié des cellules minuscules sur l’écran, et m’a informée qu’elles représentaient les bactéries dans mon sang. Elle m’a dit de ne pas m’inquiéter parce que j’avais « juste la bonne quantité ». Les cellules qu’elle a pointées étaient en fait mes plaquettes, qui ne sont pas du tout des bactéries, mais qui contribuent à la coagulation sanguine quand mon corps a besoin de cesser de saigner. D’ailleurs, le sang est un site stérile, signifiant qu’il ne doit jamais y avoir des bactéries présentes. Des personnes ayant des bactéries dans le sang peuvent devenir septiques et doivent recevoir un traitement immédiat par leur médecin.
 
Elle m’a également avisé que mon sang contenait des spicules qui sont produits par le stress au foie. Les spicules sont des particules présentes dans la moelle osseuse et ne se présentent jamais dans le sang périphérique de la sorte prélevée de mon doigt. Elle a ensuite signalé quelques particules brillantes plus grandes, qu’elle a identifiées comme étant des cristaux de cholestérol (elles étaient en fait de grandes plaquettes), mais m’a immédiatement conseillée de ne jamais prendre des médicaments pour le cholestérol car ils causent des crises cardiaques. J’espère que l’on n’a jamais donné ces conseils à une personne qui a vraiment besoin de médicaments pour le cholestérol. Son dernier commentaire a été que mes cellules s’adhéraient ensemble dans un motif qu’elle a appelé l’agrégation. Elle a attribué cela à une teneur élevée en graisse saturée dans mon régime, à des infections, à des problèmes de digestion ou à plusieurs autres causes vagues. La vérité, c’est que mon sang avait commencé à coaguler sur la lame, mais c’est un processus naturel peu importe la quantité de graisse dans mon régime.
 
Elle m’a offert une prescription recommandant que je prenne de nombreux médicaments sans ordonnance. J’ai payé les frais qu’elle a exigés pour me donner ces résultats et j’ai quitté la clinique avec une recommandation de retourner en quatre mois pour vérifier jusqu’à quel degré mon sang a amélioré.
 
Il s’agissait d’une expérience très intéressante, pour le moins, dans laquelle on a lancé la terminologie médicale hors contexte, et des processus de maladies bien examinés ont été mentionnés sans preuves concrètes. Les TLM consacrent entre deux et quatre ans pour apprendre les techniques d’une gamme élargie de tests pour permettre de diagnostiquer et de traiter les patients, et nous sommes régis par des associations nationales et provinciales qui ont établi un ensemble de normes. La propriétaire de cette entreprise a suivi un cours d’une semaine sur l’analyse de cellules sanguines vivantes, et elle ne répond d’aucun organisme de réglementation.

Tiffany Clouston

B.Sc, TLM

Cet article a d’abord paru dans le Journal canadien de science de laboratoire médical, Vol. 80, no 4.

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